Le manifeste
POUR LA RÉAPPROPRIATION POPULAIRE DE L’ÉNERGIE
Nous sommes des militant·es et nous voulons agir.
La crise climatique s’accélère et les pouvoirs publics persistent dans l’inaction. Depuis trente ans, les énergies renouvelables ont été développées en masse mais dans une logique libérale, pour toujours plus de consommation et de profit. En même temps, les prix de l’énergie ont flambé deux fois plus vite que l’inflation. Chaque nouvel hiver qui approche nous inquiète, chaque facture reçue pèse toujours plus sur nos fins de mois, chaque événement météorologique nous fait craindre une catastrophe “naturelle”.
C’est donc à nous, surtout collectivement, d’engager les actions nécessaires pour transformer le système qui organise notre monde pour le rendre résilient et soutenable, pour accéder à des conditions de vie dignes et retrouver une société solidaire. Il nous faut une autre voie, une autre réponse, celle de faire de l’énergie un commun.
REPRENDRE LA MAIN SUR L’ÉNERGIE
FACE À DES INÉGALITÉS
QUI NOUS TUENT
Pour nous réapproprier ces enjeux et sortir de l’impuissance, nous nous organisons localement et démocratiquement. Nous sommes des usager·es de l’énergie mais avant tout des habitant·es de Nantes et de sa région. Comme beaucoup, nous avons du mal à payer nos factures et nous voulons prendre soin de nos lieux de vie. Nous sommes Énergie de Nantes, une association à but non lucratif : sans propriétaire, sans actionnaire, sans profit possible. Elle fonctionne selon une logique de commun ; ce sont les usager·es qui définissent leurs propres règles, une communauté bien définie et autogérée où le pouvoir est partagé. Pour agir, nous mettons en commun des savoirs pour utiliser l’énergie que nous produisons collectivement, aujourd’hui de l’électricité, demain peut-être du bois ou des matériaux isolants. Ainsi, nous sortons l’énergie de logiques de marché.
Les inégalités détruisent la planète. Selon OXFAM, les 10 % les plus riches produisent 52% des émissions de CO2. Les responsabilités ne sont pas partagées : le ”1%” détient des industries polluantes qui encouragent la surconsommation. Suivant la situation géographique et le niveau de vie, la catastrophe environnementale en cours n’est et ne sera pas vécue de la même manière.
L’exigence d’une transition écologique ne doit pas entrer en contradiction avec l’accès à une énergie abordable. Aujourd’hui, en France, 12 millions de personnes souffrent de la précarité énergétique. Nous luttons à notre échelle contre cette injustice en créant un fournisseur qui structurellement pourra proposer des tarifs stables et bas parce que nous ne nous inscrivons pas dans une logique de profit mais dans une logique d’autonomie qui s’affranchit des marchés. Ces tarifs sont décidés collectivement : nous déterminons ensemble le prix de l’énergie, qui ne doit pas être une marchandise. L’argent récolté est intégralement injecté dans le commun pour accroître notre autonomie, qu’il soit transformé en moyens de production ou en actions permettant de réduire notre consommation. Aux tarifs bas et à notre volonté de répondre à nos besoins par nous-mêmes s’ajoute l’entraide au quotidien. Face à la précarité, nous agissons dans nos logements et nous mobilisons pour défendre nos droits, notamment chez celles et ceux qui vivent dans des passoires thermiques.
POUR DES RÉSEAUX DE SOLIDARITÉ BASÉS SUR LE SOIN DE NOS MOYENS DE PRODUCTION
Nos moyens de production doivent nous servir et non nous asservir. Nous voulons les communaliser, à l’image de notre première centrale, un moulin qui produit de l’électricité grâce à l’eau de la Sèvre. Nous le faisons dans le respect du milieu de vie dans lequel il s’inscrit. Pas de haute technologie mais du bon sens. Nous sommes conscient·es que les énergies renouvelables ne suffiront pas pour répondre aux crises écologiques mais elles restent incontournables dans la révolution que nous visons.
Il n’y a pas de professionnel·les parmi nous mais des personnes qui veulent trouver des moyens de faire par elles-mêmes, en limitant les rapports marchands. Nous prenons soin de notre moulin comme nous cultivons un champ et en récoltons les fruits.
L’implication dans nos moyens de production est la condition de notre émancipation, à l’opposé d’un modèle voulu par une bourgeoisie qui cherche à déléguer à d’autres les tâches qu’elle considère subalternes. Cela passe par une définition de nos justes besoins en énergie pour tendre vers une autonomie collective qui s’appuie sur la coopération.
Nous avons besoin de proximité et de faire ensemble. Ici, comme en pleins d’endroits, se fabrique un mouvement de masse, capable d’inverser la tendance face à des projets inutiles, un mouvement qui fait entendre notre voix. L’énergie est un point de départ déterminant, au sein d’un vaste réseau de solidarité pour couvrir tous nos besoins, qui replace l’économie comme un moyen et non une fin, où l’argent n’est plus central. Nous posons les bases d’un autre modèle qui dépassera le capitalisme.
Nous rejoindre pour payer l’énergie moins chère ou encourager les énergies renouvelables revient surtout à commencer à faire autrement ensemble. Rendre nos vies plus faciles en produisant nous-mêmes, c’est aussi lutter contre les pouvoirs en place et nous affranchir de la société de consommation.
LA DÉMOCRATIE DÉCLINE,
LUTTONS AUTREMENT
Nous recréons des liens entre nous, entre habitant·es des villes et des campagnes, avec le vivant. Face à une extrême droite fascisante, dans un contexte où les peurs agitées créent des clivages qui renforcent le système en place, nous opposons le courage de faire ensemble par et pour nous-mêmes, y compris dans un secteur aussi financiarisé que l’énergie. Nos votes ne sont plus entendus, nos abstentions, qui sont autant de cris, sont balayées d’un revers de la main. Soit, faisons par nous mêmes et n’attendons plus d’une élite qu’elle daigne nous laisser quelques miettes. Par le concret, la démarchandisation et l’entraide, nous voulons remettre la politique, la vraie, la gestion de nos communes, au cœur de nos quotidiens. Et prouver à ceux qui nous exploitent par le salariat ou par des mesures autoritaires que nous sommes les plus à-mêmes de décider.
Parce que nous luttons contre les dominations qui traversent notre société, notre organisation se veut inclusive et attentive aux oppressions qui pourraient apparaître dans nos espaces militants. Conscient·es d’avoir des biais, nous avons la volonté de lutter contre toute forme d’oppression, particulièrement les oppressions de genre, de classe, contre les oppressions racistes ou validistes et veillons aux rapports de pouvoirs qui les mettent en place. Vigilance interne et lutte nous semblent indissociables pour mener à bien nos objectifs. Notre détermination à changer de modèle passe aussi par le soin que nous apportons à nos organisations et à chaque personne qui la compose.
Énergie de Nantes est un élan collectif, une lutte concrète par l’action quotidienne pour notre subsistance, une brèche dans la dureté de notre époque.
Nous espérons en voir émerger partout.
Énergie de Nantes sera ce que nous en ferons, le moment est venu de s’en saisir massivement, la révolution énergétique commence ici et maintenant !
