L'enquête énergie
Aujourd’hui, l’énergie est une question principalement technique et nationale. Pourtant l’exigence d’une transition écologique nous pousse à nous réapproprier cette thématique et à agir localement.
Comment en faire une question politique et locale sur laquelle nous avons notre mot à dire et des moyens d’agir ? Une énergie produite localement en commun, qu’est-ce que cela veut dire ?
À travers l’énergie, on se pose la question suivante : Comment tendre vers un écosystème local autonome ? Comment et quelles activités relocaliser afin de tendre vers la résilience ?
Le support de discussion
Enjeux
En arrière-plan de cette question réside bien sûr l’exigence de transition écologique, l’exigence de construire une société qui ne soit plus dépendante, fondée sur les énergies fossiles. Notre objectif est de construire une société plus écologiste et plus solidaire.
De plus, il nous semble intéressant de nous interroger sur une relocalisation des activités afin de tendre vers un écosystème local autonome (autonome et non autarcique), un écosystème résilient.
Ce qui implique les enjeux suivants :
- La qualité de vie : comment bien-vivre et consommer moins d’énergie ? Quels sont les usages à prioriser en termes de consommation d’énergie ?
- La réappropriation de cet enjeu : en faire un sujet politique dont on puisse se saisir en tant que citoyennes et citoyens
- La sobriété et l’équité : consommer moins d’énergie et sortir des énergies fossiles ; réduire les inégalités de consommation d’énergie
Nous nous intéressons à cette thématique de l’énergie dans la ville de Nantes, d’un point de vue collectif, au niveau de la commune. L’objectif n’est pas de réfléchir à une politique des petits gestes individuels qui responsabilisent à outrance les individus et évacuent les problèmes politiques, résolument collectifs donc. Sans tourner le dos aux démarches individuelles.
Notre diagnostic
En France :
- Gestion hyper-centralisée
- Concentration des moyens de production électrique (chiffres de 2017) :
- 19 sites nucléaires (73%)
- 21 sites (gaz/pétrole/charbon) (10%)
- 16 barrages Hydroélectriques (11%)
- Reste = 6% : éolien 4%, biomasse 2%, photovoltaïque <1% (à composer au nombre de sites)
- Deux réseaux nationaux permettant la distribution, la répartition et le stockage :
- Réseau électrique (Géré par Enedis)
- Réseau gazier (Géré par GRT Gaz)
- Contraction des lieux d’import d’énergies fossiles :
- 4 ports méthaniers
- 8 raffineries
- Concentration des moyens de production électrique (chiffres de 2017) :
- Moyens de production :
- en électricité : essentiellement par le nucléaire
- en chaleur : à partir de biomasse (ex : chaudières à bois)
- pas de production de carburant : forte dépendance aux pays pétroliers
- Rapport consommation/production : nous importons 60% de notre énergie
- nous couvrons 90% de nos besoins en électricité
- nous importons du gaz, essentiellement pour nous chauffer et pour l’industrie
- nous importons 100% de nos besoins en carburant, essentiellement du pétrole.
En Pays de la Loire : nous importons 85% de notre énergie (consommée)
- Nous produisons peu d’électricité (22% de nos besoins) et sommes alimentés par les région voisines
- Nous importons le pétrole et le gaz via la raffinerie de Donges (Carene) et le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne (Carene)
Les équipements du département :
- Centrale thermique de Cordemais (en fermeture) (communauté de communes Estuaire et Sillon) : 10% de la production énergétique en France ; 65% de la production annuelle électrique dans la région (2016) ! En reconversion avec beaucoup de débat autout
- La raffinerie de Donges (Carene)
- Le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne (Carene)
- A venir : le parc éolien de Saint-Nazaire (Carene) : 80 éoliennes qui devraient produire l’équivalent de 20% de la consommation électrique des habitants de Loire-Atlantique (à équivalent production)
(Equipements ENR à recenser)
À Nantes :
- L’énergie est une compétence de la métropole : Nantes Métropole a un rôle d’autorité organisatrice (pour les réseaux de chaleur) et concédante (pour le gaz et l’électricité) de la distribution d’énergie.
- Le plan climat air énergie territorial de 2018 :
- Chaque collectivité a pour obligation d’établir un PCAET, en revanche ces plans sont indicatifs et aucunement contraignants.
- Un Plan climat air énergie territorial (PCAET) a donc été publié en 2018 et inclus les propositions ayant émergé du Grand débat sur la transition.
- Ce PCAET entérine deux objectifs :
- l’atténuation, il s’agit de limiter l’impact du territoire sur le climat en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la perspective du facteur 4 (diviser par 4 ces émissions d’ici 2050) et limiter également la pollution atmosphérique. L’objectif de réduction des émissions annuelles d’émissions de gaz à effet de serre d’un habitant de l’agglomération nantaise est fixé à 30% pour 2020 puis à 50% pour 2030 par rapport à l’année 2003.
- l’adaptation, il s’agit de réduire la vulnérabilité du territoire puisqu’il est désormais établi que les impacts du changement climatique ne pourront plus être intégralement évités. Action : élaborer une stratégie pour le territoire de Nantes Métropole à partir notamment d’un diagnostic de vulnérabilité.
- Principale politique publique de production d’énergie à Nantes : les réseaux de chaleur :
- 7 Chaufferies sur Nantes métropole : Chantrerie, Bout des Landes, ZAC de Minais, Malakoff, Californie, Trocadière, ZAC de la Noé
- 5 Réseaux de chaleur : Bout-des-Landes, Centre-Loire, Rezé-Château, Bellevue, ZAC de la Noé.
- 24% des logements sociaux desservis (Obj 50% en 2002)
- 12% des logements desservis
- Origine de l’énergie : Déchets , Bois, Gaz (25%) (A vérifier pour la moyenne sur les différents réseaux)
- Consommation d’énergie à Nantes par usage (2014) (source : PCAET) :
- Transport 32%
- Logement 25 %
- Tertiaire 23 %
- Industrie 19%
- Principale politique publique de baisse de la consommation : l’isolation des logements : MON PROJET RENOV Habiter Mieux Travaux : politique publique de Nantes métropole avec un site internet dédié pour obtenir des aides https://monprojetrenov.nantesmetropole.fr But : “zéro passoir énergétique” pour 100% des habitants. Cibles principales : logements en copropriété (quelque soit les revenus) et les ménages les plus modestes
- Pour logements modestes : aides de Nantes Métropole, de l’État et de Anah (agence national de l’habitat) ; Nantes Métropole, budget de 56 millions d’€ entre 2018 et 2025 soit 7M par an. But : aider 500 logements par an (contre 280 jusqu’ici)
- Pour les copropriétés : NM + fonds de l’État “Ville de demain – programme d’investissement d’Avenir par Caisse des dépôts. But : passage de 300 à 900 logements rénovés au niveau BBC (bâtiment basse consommation) par an. + incitations au recours au solaire thermique (200€ par m2 de photovol.) et incitation à l’utilisation de matériaux biosourcés à faire impact carbone (15€/m2 de surface isolée)
- pour les maisons individuelles : aide pour la réalisation d’audit énergétique.. Obj : 20 maisons par an.
- Au total : 1200 logements environ aidés par an (sachant qu’il y a plus de 170 000 logements à Nantes seulement)
Nos inspirations
Nous trouvons des inspirations notamment dans :
- les micro-réseaux énergétiques communautaires : réseaux gérés localement (par les citoyens) intégrant des ressources renouvelables, rapprochant et équilibrant production et consommation (déconnectable d’un réseaux plus vaste).
- Exemples de gestion et production locale:
- Eclau (Belgique) municipalité/citoyens jouent un rôle en important dans les appels d’offre;
- Louvin avec un plan d’élaboration 0 carbone à l’échelle locale;
- Danemark: 100% des réseaux de chaleur gérés localement sans spéculation (chaleur reconnue comme un droit)
- Coopératives énergétiques citoyennes: exemple de Schönau en Allemagne
- Autosuffisance: ex Grenoble pour l’électricité
- Reepowering London et Bristol Energy: réinsertion par l’isolation + panneaux solaires pour les bâtiments sociaux
- Énergie citoyenne en Pays de la Loire qui est un réseau de producteurs d’énergie citoyenne:
- Redon (parc éolien construit par des militants et retour sur investissement pour sensibiliser sur l’économie d’énergie, démocratisation de la production d’énergie);
- Nantes (projet éolien dans la prairie de Mauve pour 2×3,5MW → 3,5% de la conso de Nantes, blocage car proximité des habitations);
- Nantes (CoWatt, SAS dans le photovoltaïque avec 300 actionnaires citoyens).
- Polygénération → Diversification des ressources pour jouer sur les synergies entre diverses sources et améliorer la production locale:
- méthaniseur lillois (Grande Synthe)
- chaleur à partir du compost (San Francisco)
- énergie solaire + centrale de cogénération à bois (Fribourg en allemagne)
- Korgen à Nantes avec des solutions de cogénération pour les PME.
- Scénarios alternatifs proposés :
- Négawatt;
- Virage Energie Climat Pays de la Loire (VEC) avec avant tout des économies d’énergie (55% avec isolation, diminution du chauffage, diminution du transport, …), production d’énergie renouvelable locale (solaire, éolien, biomass) + une transition sociale
- Méthanisation (conversion de l’élec en gaz):
- Biométhane: GRDF et GRTgaz estiment que la Loire atlantique a un potentiel (de 1400 GWh/an) à exploiter par rapport aux 17GWh elec + 25GWh de chaleur aujourd’hui.
- Volt Gaz Volt23: projet allemand à Stuttgart avec production industrielle de 6,3MW pour 0,25€/kWh de gaz puis en 2023 à 0,08€/kWh.
- AFUL Chantrerie, à Nantes pour alimenter une chaufferie.
- Port de Marseille avec projet JUPITER pour stocker l’élec sous forme de gaz (500kW).
- Homebiogas: conversion déchet en gaz, 1kg de déchets = 1h de cuisson.
- Micro-méthanisation en milieu urbain, cas classique en chine et en inde pour une utilisation domestique (+ de 30 million d’installations); projet européen H2020 DECISIVE testé à Lyon et Barcelone pour la mise en place d’une filière de microméthanisation en milieu urbain, à l’échelle d’un quartier de 800 à 1000 ménages soit au maximum 200 tonnes de biodéchets par an (avec principe d’économie circulaire, moins de déchets, production locales, …)
- Enerpro biogaz à Nantes pour la ville
- Innovations: Valoriser l’énergie des salles de sport, Cuisinières sans feu, des douches à échange de chaleur, de machines à laver cinétiques et même de sous-vêtements thermiques.
Plus de détail dans le document pdf ci-dessous.
Pistes de réflexion
- Priorité : Réduire notre consommation d’énergie :
- Médiatiser les moyens, façons de mieux consommer pour que les personnes qui se sentent perdues aient des repères → pédagogie, sensibilisation
- Mutualiser des pièces de vie pour partager des outils, machines… :
- mutualisation de certains électroménagers dans des immeubles ou mini-quartiers (machines à laver par ex.)
- Faire évoluer la réglementation ?
- Lavomatics publics ou communs et autres dans une maison de quartier qui serait une vraie maison de vie
- Rachat d’un appartement à mutualiser par la co-propriété; quand ce n’est pas possible (attention à ne pas pousser des personnes propriétaires dehors), la mairie pourrait acheter un appartement pour le communaliser. Autre proposition : subvention ou crédit d’impôt possible de la mairie lorsqu’une co-propriété veut le faire, mais n’en a pas les moyens.
- Chauffage :
- politiques d’isolation des bâtiments
- 18°C en intérieur
- Utiliser le levier des appels d’offre pour mettre en place davantage de contraintes sur les matériaux, les techniques utilisées… (pour que ce soit plus écologique)
- Isolation :
- Faire des enquêtes par immeuble ou par quartier pour se rendre compte de la consommation (comparaisons, recherche de passoires énergétiques…) et trouver des solutions collectivement.
- créer des coopératives citoyennes d’isolation et d’entraide, dans lesquelles on discutera de nos besoins et de notre consommation
- mettre en place un grand plan d’isolation des bâtiments
- réemployer les matériaux : notamment la terre, principal déchet de la construction, qui pourrait être réemployer dans la construction de bâtiment (ce qui nous permettrait de réduire notre utilisation de béton)
- Comment utiliser le PLU ?
- Ex de Barcelone qui a mis dans son PLU l’utilisation de panneaux thermiques pour produire de l’eau chaude : cette norme locale est devenue une normale nationale
- normes de construction, de mise en place de communs dans les immeubles
- Réemploi de l’électroménager : ateliers de réparation
- Quid d’un accès internet municipal (plutôt qu’un modem par foyer) ?
- Adaptation de l’éclairage public la nuit pour réduire notre consommation (et pour des enjeux de biodiversité)
- Transports :
- Limiter par supprimer la voiture de la ville (et favoriser les transports doux)
- Mettre en place les transports en communs gratuits dans toute métropole
- Relocaliser l’alimentation
- Médiatiser les moyens, façons de mieux consommer pour que les personnes qui se sentent perdues aient des repères → pédagogie, sensibilisation
- Renforcer la production d’énergie renouvelable :
- Favoriser les coopératives énergétiques citoyennes
- quid de la récupération des déchets organiques pour méthanisation
- Mise en place de petits méthaniseurs de quartier
- Tendre doucement vers des micro-réseaux communautaires ?
- Tarification ou incitation à consommer au moment où on produit localement
- Commencer par de petits îlots autonomes qui grossiront et se connecteront
- Régie municipale pour gérer l’énergie de manière citoyenne
- Impliquer/ faire de l’énergie une question politique :
- débat sur la sélection des modes de production d’énergie
- reconnecter la question énergétique à nos usages et aux enjeux tels que la santé, la voiture, la qualité de vie, le travail
- réutiliser l’énergie humaine là où on utilise des “esclaves énergétiques” (ex : aplanir la terre en dansant, auto-construction, isolation en auto-construction…)
- Se fixer collectivement des limites (par quartier, ou au niveau de la ville).
- discussions sur l’énergie partout, dans chaque quartier. Discussions aussi à partir d’études sur la consommation des immeubles pour parler de l’isolation.
- challenges collectifs pour une consommation sobre en énergie
- Quid d’une université populaire de la transition (pour apprendre à faire par soi-même, ex. isolation)
- Position de la mairie : faire faire, déléguer, dire qu’on ne sait pas. La mairie devrait avoir un rôle de coordinatrice de la transition énergétique, qu’elle aille chercher les réponses auprès des gens.
Pistes d’actions et de propositions développées en atelier
Le 18 mars 2019, nous avons travaillé en petit groupe pour formuler des propositions pour Nantes en termes d’énergie, à partir du travail mené au sein de l’enquête jusque là. Voici les supports résumant ces propositions et la vidéo des restitutions.
Suite à cet atelier, nous retenons quatre grands axes à détailler et à préciser. Ces axes constituent des réponses originales aux problématiques posées par la transition énergétique à Nantes, dans le sens des communs.
Voici les axes :
1. Énergie et transport : Les alternatives à la voiture
Quid de la gratuité des transports en commun ? Ou, quels aménagements tarifaires ?
Quels services de la métropole pour sortir de la voiture : aujourd’hui et demain ?
2. Une université populaire de la transition à Nantes :
Comment isoler soi-même sa maison ? Comment construire un panneau thermique ? Et un panneau photovoltaïque ? Comment construire une éolienne ? Comment lire sa facture d’électricité ? Comment construire des compteurs low-tech pour surveiller sa consommation ? : cette université pourrait apporter des réponses
Des personnes ont déjà dit savoir comment construire des panneaux photovoltaïques, des panneaux en solaire thermique et des éoliennes : pourquoi ne pas faire des tutos vidéos avec elles ?
3. Relocalisation de la production et de la gestion de l’énergie pour faciliter son accès aux Nantaises et Nantais et pour aller vers une plus grande autonomie locale.
Voici les idées qui ont émergé jusqu’ici :
- La création d’un service public de l’énergie : faire que la ville de Nantes devienne fournisseur d’énergie (comme Enercoop par exemple) : cela permettrait de mettre en place des tarifs préférentiels pour les Nantaises et Nantais, et surtout pour les personnes les plus pauvres. Ce qui implique que Nantes produise de l’énergie de l’énergie localement.
- La création d’une régie départementale d’électricité
- Implication dans les coopérative locales de production (CoWatt par exemple)
4. Faire de l’énergie un enjeu politique : comment se réapproprier ce sujet et en faire un sujet d’implication forte ?
- Construire des plans de transition à l’échelle de chaque quartier nantais (quartiers vécus et non administratifs)
- Créer des coopératives de consommateurs
- Organiser des discussions/des enquêtes dans chaque micro-quartier pour se réapproprier ce sujet et se sentir en capacité d’agir.
- Prévoir la mise en commun d’équipement consommateur de beaucoup d’énergies (Electroménager (lave linge/sèche-linge/congélateur)) via des lieux mis en commun dans les immeubles
5. Isolation des bâtiments : quid de l’utilisation de biomatériaux ?
Ressources
Ressources internes :
Version détaillée de la fiche d’enquête Enquête énergie en commun détailée
Ressources externes :
Plan climat air énergie territorial de Nantes métropole – voici la dernière version du PCAET (janvier 2019)
Synthèse de l’Auran (agence d’urbanisme de la région nantaise) sur La filière ligérienne de l’énergie
Scénario Virage Énergie Climat Pays de la Loire de 2013 et sa synthèse
APPEL À témoins
Mercredi 19 décembre 2018 nous avons invité trois personnes témoins :
Charles Esmenjaud, membre de Virage Énergie Climat Pays de la Loire, association qui a travaillé sur un scénario de transition énergétique pour le territoire.
Claire Legrand, de Énergie citoyenne en Pays de la Loire qui nous partagera l’expérience des projets de cette association sur le territoire.
Stanislas d’Herbemont, de Rescoop.eu, membre et salarié de la fédération européenne des coopératives énergétiques citoyennes qui oeuvrent pour la transition énergétique.
Puis, nous avons interrogé Régis Contreau qui nous a parlé d’autonomie énergétique. Régis est allé visiter Prats-de-Mollo en Catalogne française et Chateauneuf dans l’arrière-pays niçois. Il témoigne de ces deux exemples et nous fait part de ses réflexions sur l’autonomie énergétique en ville.